lundi, décembre 18, 2006

L'école rurale et l'étude des organisations




L’étude des organisations est née avec la croissance des grandes organisations de la société industrielle. Partie de la bureaucratie, elle est passée à l'observation des acteurs et de leurs stratégies, pour en venir à ce qui fait tenir ensemble individus et groupes dans les organisations. Une des organisations qui a été étudiée a partir des différentes théories des organisations est l’école. Mais, jusqu'au présent on n’a pas trouvé une approche qui permet étudier l’école rurale en tant qu’organisation. Les études recensées sur l’école rurale traitent principalement de sa dimension géographique ou pédagogique.


On pourrait faire un essai de définition de l’école rural ainsi :
Si l'on envisage l'organisation comme un ensemble caractérisé par une action organisée ou collective nécessitant une coopération entre plusieurs personnes qui cherchent à atteindre, ensemble, un objectif, alors on peut considérer l'école rurale comme une organisation. En tant que telle, elle a un ou des buts (la réussite scolaire des enfants de la communauté rurale), des membres qui la composent (des acteurs, c'est-à-dire les parents, les élèves, les membres de la communauté, les enseignants), une division et une coordination minimale des tâches (très minimale parce que les tâches de gestion et les tâches pédagogiques sont la responsabilité de l’enseignant unique) et une certaine stabilité.


De plus, une école rurale n'est pas un système clos : sa capacité à atteindre ses objectifs est liée à son insertion dans un système plus global qu'il soit local, national ou international ; le modèle de la contingence montre qu'une structure n'est efficace que dans une situation déterminée qui dépend des caractéristiques propres à l'organisation et à son environnement.



1. Comment définir l'environnement de l'école rurale?
L'école rurale se trouve aujourd'hui placée au cœur d'une série de tensions, entendues comme un ensemble de forces parfois contradictoires : entre les niveaux local, national et transnational, entre les traditions héritées du passé et les exigences de la modernité, entre les exigences de modernisation et de changements et les pratiques ordinaires dans les établissements.

Le modèle de la contingence affirme que les organisations qui opèrent dans un environnement complexe et instable peuvent se doter utilement d'un système organique. Et l’école rurale a probablement survécue dans toutes les sociétés grâce a sa conformation organique. L'environnement de l'école rurale devient, on le voit, de plus en plus complexe et mouvant et présente un certain nombre de contraintes. Dans ce type d'environnement l'école ne peut plus gérer son fonctionnement de façon mécaniste :
- la centralisation des décisions devient incompatible avec les nouvelles tendances de décentralisation.
- les procédures et règles entraînent des rigidités qui empêchent l'adaptation et le changement nécessaires de curriculum, des horaires, etc.
- la division du travail est presque impossible.
Dans ces conditions, les enseignants semblent avoir un rôle particulier et prépondérant. Il s'agit en effet de passer d'un fonctionnement formel à un fonctionnement participatif, bref de faire évoluer les tâches de management qui lui sont imposées et qui semblent de plus en plus à celles d'un manager, vers une façon de gérer la petite école rurale au regard des caractéristiques du management post-industriel, qui pourraient être transposables dans le système éducatif :
- simplification des structures et souplesse des procédures
- autonomie des unités opérationnelles (écoles rurales)
- management participatif basé sur la consultation et sur la délégation.
2. Pour expliquer l’école en soi, comme organisation, on pourrait se servir des cadres développés par Bolman & Deal qui proposent aux leaders des organisations, lors de la prise de décision, de regarder leurs organisations à travers différents cadres possibles : le cadre structurel, le cadre de ressources humaines, le cadre politique et le cadre symbolique. Pour eux toute tentative de compréhension de comportements organisationnels ou de recherche de solutions aux problèmes de gestion par le biais d’une seule approche, prise à part, sont considérées comme réductionnistes.

Bolman et Deal (1984) voient dans la diversité des visions, qu’ils classifient en quatre cadres (“frames”), une sorte de “ pluralisme conceptuel” nécessaire pour comprendre, centrer et organiser le comportement organisationnel :
Le cadre structurel envisage l’organisation à partir de sa structure. Cette dernière fonctionne comme un plan d’architecture et on doit regarder la coordination des éléments de façon verticale et horizontale. En regardant cette coordination on peut comparer la structure organisationnelle de l’école rurale avec des modèles déjà existants : les types d’organisation selon Mintzberg (la bureaucratie professionnelle). Aussi, on peut la comparer avec la toile d’inclusion d’Heglsen qui souligne l’absence d’hiérarchie verticale entre les acteurs.
Le cadre de Ressources Humaines fait référence aux cadres théoriques qui expliquent le comportement humain : Maslow (hiérarchie des besoins humains), MacGregor (Théorie X et Y), Argyris (ajustement des besoins de l’organisation avec ceux de l’individu). Ce cadre parle de la nécessité des stratégies bien organisées en matière des ressources humaines pour la réussite d’une organisation.
Le cadre politique parle de la nécessité des négociations et de la capacité de réussir. Les concepts de pouvoir, d’autorité, des alliances, de contrôle, par exemple, déterminent bien les enjeux relatifs au cadre politique. Le conflit est un autre concept important, en entendant par là qu’il n’est pas nécessairement négatif pour l’organisation.

Le cadre symbolique parle de l’importance des représentations pour les individus et pour les organisations. Il y a beaucoup des symboles organisationnels comme les mythes, les légendes, les rituels, les cérémonies. Toutes ces représentations définissent la culture de l’organisation.


Il faut cependant prendre garde à une transposition directe des modèles de management car si l'entreprise fournit un éclairage intéressant, l'élève n'est pas un produit, la situation dans les écoles rurales réclame une approche spécifique. La " production " d’une école rurale n'est pas un bien, ni un service simple, mais une ensemble de service qui bénéfice à toute la communauté. A culture et produit différents, management différent. Il ne faut pas en effet oublier les finalités humanistes de l'institution scolaire comme valeurs centrales de sa culture : le concept de management éducatif trouve ici sa pertinence. L’enseignant de l’école rurale dans son rôle de leader d'établissement, doit passer de la direction, qui consiste à diriger de manière formelle et autoritaire en s’appuyant sur le pouvoir hiérarchique, au management où il devient responsable d'une mission collective. Il se trouve à la croisée du management participatif et du management par les valeurs culturelles du milieu.
Alors, à la lumière des courants théoriques de l’étude des organisations, on se pose les questions suivantes :
Est-ce qu’une approche éclectique permettrait d’arriver à une définition claire de l’école rurale en tant qu’organisation?
Est-ce que en essayant de définir l’école rurale en tant qu’organisation on peut améliorer la connaissance de sa multifonctionnalité ? C’est-à-dire, examiner en quoi diverses approches théoriques peuvent-ils contribuer à renforcer le travail de l’école rurale? Par exemple, il serait intéressant de se demander si et comment les écoles rurales qui ne s’affichent pas multifonctionnalistes dans le débat public sont –dans la pratique- multifonctionnelles.

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