lundi, décembre 18, 2006

qu’est-ce que l’école rurale?

Ce travail porte spécifiquement sur l'école de niveau primaire située en milieu rural. On définit généralement cette institution, connue sous divers noms dans différentes régions du monde (école rurale, école de village, école de rang), en fonction de sa localisation physique. On trouve aussi dans la littérature quelques tentatives de la définir en fonction de la tâche qu'elle remplit. En tenant compte de quelques considérations importantes, on parle alors d'«école de proximité» française, d’«école active» colombienne et d’«'école communautaire» mexicaine[i].
Dans ce second cas, comme l'emphase est mise sur la fonction et non pas sur la situation géographique, on peut aussi trouver ce même modèle dans les secteurs urbains. Toutefois, ces concepts ont été développés en principe pour s'occuper des tâches éducatives des zones les plus éloignées des centres très peuplés.
Indépendamment de ces considérations, lorsque nous parlons d’école rurale, il faut comprendre que nous référons à «la petite école», généralement perdue dans la campagne, s'occupant avec plus ou moins de succès des nécessités non seulement des enfants de la région mais aussi des adultes, dont l'infrastructure est minimale et dont l’aménagement est entre les mains des habitants de la région et, dans la plupart des cas, des enseignants.
La ruralité.
Pour bien situer ce type d’école, il est important de définir ce que l’on entend par «rural». L’adjectif « rural » est utilisé en opposition à «urbain» : le milieu rural est celui qui se trouve éloigné des centres urbains, il peut être plus ou moins plus ou moins vaste et ses logements sont dispersés. Bien qu'il n'existe pas de consensus clair sur le concept de la ruralité, on peut cependant la définir à partir d’éléments caractéristiques communs largement acceptés. Une basse densité démographique distingue au premier chef une zone rurale d’une zone urbaine (pour le gouvernement américain, moins de 2 500 habitants[ii], pour l’UNESCO/FAO[iii], entre 5 000 et 10 000; pour Statistiques Canada, moins de 5.000[iv]). D’autres éléments, tels que la pauvreté de l’infrastructure (logements et institutions), la prédominance de l'agriculture comme principale activité économique (bien que cette condition ait changé dans bien des cas), le coût du transport des personnes, des biens et des produits, ceux-ci généralement manufacturés dans des centres plus peuplés situés à des distances plus ou moins grandes.
En termes d’éducation, il est aussi important d'indiquer qu'il existe une différenciation culturelle dérivée de la condition de vie rurale. Les personnes habitant les zones rurales ont préservé des spécificités quant à leur langue régionale (en incluant les accents différenciés), leurs goûts, leurs comportements collectifs et individuels, leurs cosmovisions particulières. Quatre traits culturels caractéristiques différentient les jeunes ruraux des jeunes des zones urbaines en Amérique Latine[v] : une relation plus proche et plus précoce avec le monde du travail, une socialisation difficile à cause de l’isolement et de la famille qui joue un rôle fondamental, un passage plus court entre l’enfance et l’âge adulte et, finalement, une difficile auto-identification en tant que jeunes.
Par ailleurs, il faut considérer que les populations indigènes ont généralement occupé des territoires ruraux. C’est à cause de cela qu’il existe une étroite association entre les tâches propres de l'école rurale et de l'école indigène.
L’école rurale : ressource universelle.
Dans un monde où 70 % des êtres humains pauvres habitent dans les zones rurales, il est logique que soient apparus, à différents moments de l'histoire, des réponses visant à améliorer le développement des habitants des petites communautés rurales. Ainsi, on remarque que l’Église catholique et les Églises d’autres appartenances ont participé, de façon importante, à l’établissement des petites écoles en Europe, au Canada et aux États-Unis. Le Musée de l’école rurale en Bretagne (France) nous raconte l’histoire de l’école depuis 1907. Il est un des nombreux musées que la France a créés dans des écoles fermées. Le projet « Communauté de Recherche Interdisciplinaire sur l'Éducation et l'Enfance » (CRIEE) [vi] en Suisse, a récupéré des documents dans une collection qui s’appelle «l'école Privat » (1814-1960). Au Canada, le journal «L’école rurale» a été publié de septembre 1904 à juin 1905 avec les objectifs suivantes : développer chez les enfants des campagnes l'amour de la terre et faire en sorte que l'école les encourage à embrasser la profession de leur père. Dans les articles signés par Magnan, on retrouve toutes ses convictions dans un discours fortement teinté de propagande, qui valorise la terre, l'amour du travail, la foi, la patrie, la famille, le passé et les traditions[vii]
Le texte suivant donne une image claire de ce qu’est devenue l’école rurale du Québec[viii].
« Pendant de nombreuses années, les écoles de rang ont meublé le paysage rural québécois. Pour plusieurs personnes, les écoles de rang représentent le seul lieu d'instruction qu'ils ont connu.
Le Gouvernement du Québec a reconnu l'importance de cette institution en classant l'École du Rang II d'Authier monument historique en 1981. Cette école de l'Abitibi, bien représentative de toutes les écoles de rang, a ouvert ses portes en 1937 pour accueillir les élèves des rangs II et III d'Authier. En 1958, elle ferme ses portes .Les enfants du rang iront au village d'Authier pour s'instruire. C'est le phénomène de la centralisation. Jusqu'en 1981, cette bâtisse sera un hangar de ferme. À cette date, des gens décident de lui donner une autre vocation, d'en faire un centre d'interprétation de l'histoire scolaire rurale du Québec.
Depuis 1983, l'École du Rang II d'Authier accueille des gens désireux d'en savoir plus sur ce sujet.
La collection imposante de livres anciens, le matériel pédagogique utilisé autrefois et l'environnement physique nous transportent facilement dans les années quarante.
Il est facile de saisir l'ambiance qui pouvait y régner quand Monsieur le curé et/ou Monsieur l'inspecteur venaient rencontrer l'institutrice et ses élèves.
C'est un voyage dans le temps qui nous permet d'apprécier le présent ».

Dans le tiers-monde, les écoles rurales sont apparues plus tardivement. Au début des années soixante-dix, plusieurs pays en voie de développement ont reçu de l'argent de la Banque Mondiale dans le but d'adapter et d’améliorer l'éducation qui était dispensée dans les zones rurales (Rwanda, Malawi, Éthiopie)[ix]. En Amérique Latine, plusieurs écoles rurales ont ouvert leurs portes dans les années 70 grâce au programme «Alliance pour le progrès», sorte de «plan Marshall» version continentale annoncé en mars 1961 par le président John F. Kennedy. Ce programme impliquait le transfert à l'Amérique latine de 20 milliards de dollars comme aide au développement.
Comme la situation démographique des pays du tiers-monde est diamétralement opposée à celle des pays développés, leurs écoles rurales ne font pas face à la problématique de leur fermeture par manque d’élèves, comme c’est le cas en France, au Canada ou aux États-Unis.
Au contraire, elles constituent une ressource fondamentale en Afrique sub-saharienne et en Chine, où elles ne peuvent compter que sur très peu de support pour accomplir leur mission. Le programme de l’état chinois pour les écoles rurales n’a été mis en place qu’en 1996. La promotion de l'éducation forcée dans les secteurs ruraux, qui a vu le jour la même année, est le plus grand projet éducatif lancé dans le pays depuis 1949, année où la nouvelle Chine fut fondée. Vers la fin de l’an 2000, la première phase du projet avait coûté 12,5 milliards de yuans (1,51 milliard de dollars américains), avait touché 852 des comtés dans 22 provinces et régions, et rejoint 255 millions de personnes[x].


[i] Corvalan, Javier (2003) Síntesis y análisis global de resultados por países, UNESCO, Chile. En http://www.unesco.cl/medios/biblioteca/documentos/estudio_poblacion_rural_lac_sintesis_analisis_paises.pdf

[ii] The National Telecommunications and Information Administration (NTIA) (1999) http://www.google.com/url?sa=X&start=9&oi=define&q=http://www.ntia.doc.gov/ntiahome/fttn99/glossary.html

[iii] UNESCO-FAO (2003) Education for rural development: towards new policy responses. Trouvé en: http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001329/132994e.pdf

[iv] Statistics Canada, cite par Roach, Lorne (2000) “Aspects affecting small rural schools”. Faculty of Education. Memorial University of Newfoundland. Thesis for Master Degree. Canada.

[v] Rodríguez, Ernesto (1996) “Los desafíos de fin de siglo y la problemática juvenil rural en América Latina”. http://www.cholonautas.edu.pe/modulo/upload/Rodriguez.pdf .
Article de journal en: Comisión Económica para América Latina CEPAL, Juventud Rural: Modernidad y democracia en América Latina, Primera parte: la problemática de la juventud, cap. II, CEPAL, Santiago de Chile, 1996. pp. 35-54.

[vi] CRIÉE en http://www.ac-grenoble.fr/patrimoine-education/seminaire/criee.htm

[vii] L’École rurale. Dans la collection « Les manuels scolaires québécois ». Trouvé en : http://www.bibl.ulaval.ca/ress/manscol/revues/1904_1905ecole.html

[viii] Communauté de Recherche Interdisciplinaire sur l'Éducation et l'Enfance (2005) Musée de l’école rurale. Trouvé en http://www.museevirtuel.ca/pm.php?id=record_detail&fl=0&lg=Francais&ex=00000071

[ix] UNESCO-FAO (2003) Education for rural development: towards new policy responses. Trouvé en: http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001329/132994e.pdf.%20p.59.

[x] People’s Daily (2002) China Expands Compulsory Education in Rural Areas. Article dans le journal trouvé en: http://www.china.org.cn/english/2002/May/32307.htm